16 août 2020

Juliette.

J'ai connu Juliette à la toute fin du siècle dernier si ma mémoire ne me joue pas trop de tours, en tout cas je me souviens où c'était : une saison (je sais plus laquelle bordel de mémoire de merde), j'avais choppé un créneau pour une émission de radio à la station amateur du coin, à Besançon. C'était le dimanche soir (mon créneau préféré de tous les temps) et juste avant, Juliette avait elle aussi une émission. Personne (ou si peu) ne nous écoutait, mais elle comme moi nous en foutions pas mal, nous étions passionnés comme la majorité des bénévoles de cette radio, à l'instar de l'affreux JB, du pénible Laurent ou de l'horrible Matthieu, avec qui on jouait au Tétris/grille de programmation sur certains jours de la semaine.
On avait pas du tout les mêmes goûts musicaux mais on a vite accroché, on rigolait bien en se passant l'antenne, souvent avec un manque de professionnalisme assez criant. On s'apercevait ici ou là dans cette bonne vieille ville de Besac, et ça a duré quelque temps comme ça, c'était l'essentiel de notre relation, pourtant assurément amicale et sincère, qui a duré au gré des années quand bien même on se croisait davantage que l'on ne se fréquentait. On avait une tonne de connaissances communes, parfois de solides ami.e.s aussi, ce qui me donnait l'impression d'être conforté dans le fait qu'elle et son mec étaient décidément deux chouettes personnes.

Les années ont passé, et justement, avec Antoine, le père de ses deux filles, on a commencé à échanger aussi un peu via les réseaux sociaux (en admettant que l'on puisse parler d'échanger sur ces saloperies d'aspirateur à temps) mais pour une bonne raison, commode en tout cas : tout ce petit monde vivait en Angleterre depuis un moment. On avait pas mal d'intérêts en commun, notamment autour de la bande dessinée, et on échangeait volontiers notre quota de "pouces levés" d'approbation mutuelle qui tombaient ici ou là au rythme de nos publications.

Il y a 4 ans, lors d'un périple de vacances dans le coin, côté famille, la petite clique était passée faire un tour à la librairie où j'assurais alors le service estival, me permettant ainsi de rencontrer les deux petites meufs complètement au point (et déjà plus si petites que ça), et de laisser Antoine partir avec trois tonnes de bouquins dans leurs sacs. Je ne le savais évidemment pas, mais c'était la dernière fois que j'allais voir Juliette, août 2016, ça fait 4 ans jour par jour.

Il y a quelques mois, Juliette est tombée salement malade. On a toutes et tous senti très vite que plus que jamais, leur petite bande familiale était unie comme jamais. Dans ses messages, c'était clair en tout cas : Antoine envoie du bois, les filles sont chanmé. Pour affronter ce genre de merdes et aller au charbon, c'est essentiel. 

Ce soir, c'est Matthieu qui m'a annoncé la nouvelle, ayant peut-être capté que j'ai récemment modifié/édulcoré mon utilisation des réseaux sociaux, où Antoine lui-même  avait annoncé l'horrible nouvelle en tout début de soirée.

Il y a quelques semaines, nous avions initié un trafic postal.
Alors que je leur avais envoyé quelques modestes conneries d'encouragement pour cette période merdique qu'ils allaient devoir traverser ensemble, Juliette avait répondu avec un colis comprenant d'autres conneries, mais aussi avec des dessins des filles pour Sunny et surtout un magnifique lapin qu'elle avait réalisé au crochet. La grosse classe ! Depuis, j'avais réuni d'autres trucs pour faire bonne figure mais comment répondre à un lapin au crochet, quoi !
Il y avait même un petit mode d'emploi d'entretien et une petite lettre avec, où elle invitait Sunny à trouver elle-même un nom à cette nouvelle venue dans la ménagerie familiale. On a pas attendu que Sunny soit en âge de trouver un nom au lapin, qui est d'ailleurs une lapine : direct net, on l'a appelé Juliette, et à chaque fois que Nini jouait avec elle, moi je croisais les doigts pour que de l'autre côté de La Manche, cette merde la lâche, les lâche, aussitôt que possible.

J'ai des tonnes de trucs d'une banalité affligeante qui me viennent, mais j'ai surtout grave les boules en ce dimanche soir. A cette force qu'il va leur falloir, aux trois, et qu'ils vont trouver entre deux montagnes de douleur à traverser.
Ce soir on pense très très très fort à Antoine, à Zoé et à Yoko.

Aucun commentaire: