30 mars 2025

Godspeed, YannMo. 🖤

Godspeed, YannMo. 🖤

Aux alentours de l'an 2000 (environ ?), après des années à faire la girouette avec intensité y compris au niveau géographique et pour plein de raisons plus ou moins valables, j'ai fini par m'arrimer un peu plus à Besançon que jusqu'alors. J'y avais déjà repéré certaines têtes de la petite scène musicale (et plus si affinités) : Besac s'y prêtait, même si pour moi la couleur générale la plus affirmée me semblait bien trop rock ou noise (pour mes petites oreilles chastes, en tout cas).
Grâce à mon homie Feet , qui lui était un pur produit du giron bisontin et avait déjà probablement joué ou mixé avec 95% des acteurs de la scène, j'ai fait quelques rencontres assez marquantes de types du même tonneau : Yann était de ceux-là.

Je l'avais probablement croisé lorsque Tico et ses associés m'avaient laissé une place derrière le comptoir de Music Machine (c'était il y a 30 ans) (BORDEL), mais l'attitude générale du type m'avait sûrement suffit : son personnage de type aigri et blasé, il le maîtrisait déjà très bien, et comme je suis un type très premier degré, j'ai vite pensé que ce trouduc à belle et grande gueule, à l'assurance infinie et aux réparties assassines, n'était que ça.

Quelques années plus tard, les soirées sans fin rue de la soif, où une grosse partie de cette petite clique semblait avoir un pied à terre H24, m'avaient permis de réviser mon jugement. J'y mixais très très souvent, et les afters improbables faisaient partie de l'équation.
Je suis fleur bleue : je me souviens d'une conversation, au regretté Se7en bar (pardi) où on était sortis un instant du territoire des expérimentations noise qu'il affectionnait, et où j'avais eu le malheur d'évoquer le ressenti provoqué par les productions du Bomb Squad, que c'était et restait pour moi une exception marquante dans le hip hop, ce mur du son saturé en apparence seulement, et qui obligeait à tendre l'oreille pour comprendre l'orfèvrerie du truc... C'est à partir de ce soir -ce matin?- qu'on avait commencé à causer pour de vrai, je crois.
Au fil des années, on avait ensuite creusé Dälek et consorts, entre autres : en passant du Def Jux (style Cann Ox) en soirée, je l'interpellais pour savoir ce qu'il en pensait, et ses réponses étaient toujours cool, parce que le mec ouvrait la porte : c'était pas l'un de mes proches, du tout, mais comme toutes ces constructions amicales au long cours, celles qui se jouent sur des décennies parfois, chaque fois que je le croisais, j'étais content.
D'abord parce qu'il était bien bien con dans les vannes de merde, que je faisais partie de ses victimes consentantes, et que j'ai toujours bien aimé son bagoût, ses petites simagrées... Et puis parce que je pouvais parler de son avec un type qui savait de quoi il parlait, et qu c'est toujours bon à prendre quand on passe un bout de sa vie à écouter des disques, merde. Son retour d'une session studio à Chicago chez -et avec- Albini, en 2000 et des brouettes, m'avait donne l'impression qu'il y avait chez lui un enthousiasme naturel pour ce taf là. Il donnait plutôt très bien l'impression qu'il savait ce qu'il fallait faire et comment ; je me dis que derrière une console ou à poser des micros, ça doit être l'une des qualités premières pour faire ce taf, vu les relous qui défilent (ça vaaaaaa).

Bon, ça, c'était il y a un moment. A l'époque, la vie n'était pas tout à fait la même qu'aujourd'hui. En sortant plusieurs soirs par semaine, Besançon était une formidable fourmilière pour toute cette clique. N'étant ni musicien, ni très noise/etc (j'arrive pas à décoller "noise" d'un post sur Yann), ni même réellement bisontin, c'était pas réellement ma clique, mais chacune de ces figures contribuait à rendre "le vivre ensemble" un peu plus cool en étant dans le coin. Et Yann, à ce titre, c'était un visage important de cette période, de ce pan d'histoire musicale, notamment locale. Et au fil des années, notamment via Le Bastion où le type a laissé probablement quelques bons morceaux de lui, ça n'a pas du fléchir de ce côté.
Depuis, j'ai rebougé, quitté la région, suis revenu dans le coin, mais en restant à la campagne, assez éloigné de BesAngeles Downtown pour ne faire que croiser ces zozos. Je croisais Yann à un concert ou en ville, mais c'était super rare.
Il y a une quinzaine d'années, Charlotte avait besoin de prises de sons pour l'une des pièces de théâtre qu'elle écrivait et qu'elle mettait en scène. Des bribes de voix, des trucs "super simples", avec un budget de merde (évidemment). Je me suis dit qu'il fallait demander à Yann, qui nous a trouvé des créneaux direct dans son agenda de ministre du wall of sound. Le mec a été adorable, généreux de conseils, patient, et surtout, perfectionniste de ouf. On est sortis de là-bas avec l'impression de lui avoir fait croire que la pièce allait faire le tour du monde, alors qu'il savais très bien que ça jouerait au CDN ou à L'Espace (je sais plus de quelle pièce on parle). Grosse classe.

Je me souviens de la dernière fois que l'on a parlé, je crois que c'était l'automne dernier, mais j'en suis même pas sûr.
Je sortais d'un rendez-vous médical, et j'étais en ville lorsque j'ai croisé le loustic. On a pas parlé de musique, on a pas parlé de concerts à ne pas rater, de disque à checker "parce que si ça se trouve, ça pourrait te plaire".
On se rendait compte que l'on était en âge de parler de nos soucis de santé respectifs. Et c'est ce que l'on a fait. Yann creusait les exams parce que c'était relou, depuis un moment. Je sais toujours pas, aujourd'hui, si c'était de la pudeur, ou s'il était encore dans la phase où il faut creuser les diagnostics. Je parle comme un vieux, je sais bien.

On avait pas assez rigolé, cette dernière fois. Ça fait chier.
Bien des pensées pour sa famille, pour son môme.
Et pour chacun.e des personnes pour qui il aura compté, et ça doit faire du monde, et je parle même pas de celleux qui se seront mangé sa face en allant remuer la tête devant des caissons de basse, que ça soit devant Odd ou plugged, ou en écoutant son dernier projet vénère en date, le Massacre, ou les autres tonnes de trucs auxquels il aura contribué.
Je pense surtout à Fanfan, Tinlu, Oune, Cyrille, Seb chez Cube, etc, y'en a tant quoi... A tout le monde, et évidemment, à mon gars sûr Ouanneur.
Plein d'amour, les copain.e.s.

🖤





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