6 juin 2006

PISCINE COUVERTE, PEETERS FAIT DU POLAR, L'HOMME QUI S'EVADA.

Avec le retour du soleil, l'envie de ne rien faire d'autre que de s'étaler dans l'herbe. Et de profiter de ne rien foutre, parce que je sais pas pour vous, mais moi, y'a pas grand chose que j'aime davantage ; rien foutre, c'est vital, bordel.
Aaaah, ca faisait bien longtemps que je ne m'étais pas répandu sur ce territoire protestant riche en auteurs dignes d'intérêt, et que l'on appelle la Suisse.
Pendant qu'à l'heure où je parle, Martina Hingis et Roger Federer doivent probablement claquer des grosses baballes du côté de Roland Garros (ouais, je suis vraiment un putain de sportif, qu'est-ce que vous croyez), le gars Frederik Peeters travaille sur son prochain gros-oeuvre, un truc de plus de cent pages qui sortira dans la collection Bayou de Gallimard, dirigée par Sfar.
Ouais, le quatrième tome de Koma vient à peine de sortir que déjà, on a des news de "la suite"...
Suite qui verra Peeters s'attaquer à un domaine qu'il affectionne énormément : le noir, le polar, le truc qui sent bon le flic insomniaque et les impasses éclairées par un vieux réverbère... Bon, nous verrons bien pour l'ambiance, mais en tout cas, l'histoire de ce polar, situé dans le Paris contemporain, est le fruit de la rencontre entre Peeters et un "vrai" flic, le genre de mec agissant plutôt dans l'ombre et bien évidemment spécialiste des missions à la con, à tendance super-importante et probablement ultra-secrète.
Ultra-secret ? Toujours est-il que l'expérience du bonhomme a semble-t'il inspiré Peeters, et qu'au final, on aura droit à un scénario original monté en sauce sur quelques détails et pistes balancées par the flic himsef : l'histoire d'un keuf sûrement moins charismatique que la plupart des idéaux héros de polars 50's (chers à Peeters), moins classe que chez Melville et moins énervé que l'inspecteur Harry, mais probablement plus réaliste, Peeters tenant à pondre un truc moderne, un vrai polar contemporain.
Les flics ressembleront-ils davantage à Lee Marvin, à Jack Bauer, ou à Bogart, ça, il nous faudra attendre l'année prochaine pour le savoir... Miam !


=> Quelques lectures, vite fait :

- Reçu et lu le dernier "Piscine couverte" de Loïc Gaume (loic.gaume chez laposte point net), le quatrième (et carrément meilleur jusqu'à maintenant) petit truc qu'il auto-édite chaque mois. Entre la Franche-Comté et Bruxelles, Loïc raconte avec malice et subtilité sa vie d'étudiant noyé dans le graphisme et l'illustration, en coloc' dans une auberge espagnole, entre deux lectures de Jeffrey Brown et de Jochen Gerner (dont il a d'ailleurs été "l'élève" le temps d'un workshop restreint, mais apparemment marquant).
Je sais, je sais, je dis tout le temps du bien de ce mec ; peut-être parce que son style batard, le cul coincé entre la chaise de la narration lisible et celle de l'illustration minimale, correspond à une synthèse idéale de ce qu'un jeune auteur influencé (mais fort talentueux, l'un n'empêchant pas l'autre) peut proposer de plus personnel et abouti par les temps qui courent, ou certains styles, certaines manières de faire, se retrouvent d'un bouquin à l'autre, d'un blog à l'autre... Gaume fait du Gaume, de plus en plus. Et c'est de mieux en mieux.

- Super papier sur dj Hype dans le Knowledge #63 (jan 2006), ainsi que sur Mark Force, et de Wayne de Lo-Tek HiFi. Et puis plein de top 5 totalement superflus, donc carrément indispensables, eh eh eh. Thanks to my man Feet (je vais quand même pas me mettre à acheter des mags d'n'b, merde...). 8)

- Suis en train de finir "Une petite comédie" d'Arthur Schnitzler ; on en causera plus tard, de l'autrichien.

- "L'homme qui s'évada" de Laurent Maffre, d'après Albert Londres, prochaine grosse sortie de la collection bande dessinée d'Actes Sud.
"Au bagne" d'Albert Londres était un bouquin qui tenait du reportage (du témoignage ?), alors qu'en 1923, l'auteur était allé rencontrer Eugène Dieudonné, injustement condamné et détenu au bagne de Cayenne, dans des circonstances que je vous laisse découvrir si vous ne les connaissez pas déjà ; la suite, Londres la raconta dans "L'homme qui s'évada" : incroyable histoire que celle du destin de ce pauvre mec, ébeniste et anarchiste ayant eu la malchance de frayer quelque peu avec la fameuse bande à Bonnot.

D'abord, l'adaptation de cette histoire vécue par Maffre est une vraie réussite formelle. L'auteur s'empare du médium dans ce qu'il offre de plus large, et surprend dans sa narration, la ponctuant d'idées dans la mise en page (la mise en scène, plutôt !), et de changements de rythme, de vitesse de lecture.
Et de petites manières de faire pleines de charme, aussi :

maffre-04

Cela pourrait assommer et fatiguer à la longue, mais entre une histoire passionnante et une manière de la raconter carrément audacieuse, "L'homme qui s'évada" est tout simplement un superbe bouquin. Une vraie science dans le découpage du texte, dans la manière de distiller dialogues et descriptions, sans oublier un seul instant les capacités d'évocation inhérentes au médium bande dessinée. La classe.
Bien sûr, le dessin évoque bien des choses : Maffre lorgne du côté de Tardi (on peut difficilement penser différemment, en tout cas d'après moi), pour ne citer que la première impression venue à l'ouverture du bouquin (et contrairement à ce que pouvait supposer la couverture, magnifique au passage).
Passant d'un pinceau à l'autre, utilisant également la plume et la brosse, l'auteur s'applique à communiquer son envie de remuer la lecture, jusque dans le choix de son outil de travail ; mais l'esprit de Tardi, doublement présent de par l'idéologie politique du récit, plane inévitablement sur les 130 pages du bouquin.
Ce qui n'est pas un défaut, dans le sens ou l'inspiration est autrement plus digérable que le plagiat, hein.
Non, le seul "vrai défaut" qui me vient à l'esprit serait éventuellement cette utilisation d'une seconde couleur totalement superflue, celle d'un gris qui ne valorise pas forcément le trait noir et sûr du bonhomme ; quelques sélections, quelques remplissages, quelques usages de ce gris, rien de réellement foiré, mais rien de très indispensable non plus.
Voilà pour le truc éventuellement chagrinant ; ca fait peu ? C'est normal, j'en ai pas véritablement trouvé d'autres. Un auteur comme Maffre mérite d'être encouragé dans sa démarche, osée, mais sans jamais tomber dans le purement démonstratif. Sa manière de mettre en page est vraiment maitrisée, inventive, et sert réellement l'histoire. Et cette histoire vaut vraiment la peine d'être lue.

Hors-sujet-mais-pas-tant-que-ça : une fois n'est pas coutume, dans une époque ou tout le monde fait son lettrage à l'ordi comme moi je coupe le pain à la main (parce que ca va plus vite), il faut citer les rares bouquins correctement lettrés, agréables à lire, au sens premier du terme ; faites les comptes, vous verrez, y'en à pas tant que ça. Plus généralement, le lettrage des ouvrages des éditeurs alternatifs sont bien évidemment autrement plus soignés, plus originaux que ceux des "gros", c'est un fait (ok, le "Jimmy Corrigan" de Ware chez Delcourt étant l'exception qui confirme la régle) (et la récente traduction "Tue-moi à en crever" de Lapham, chez les mêmes, l'exemple parfait du truc dégueu).

Exemple : je ne sais pas à quoi ressemblent les lettrages originaux de Gipi, mais j'ai tendance à penser qu'une fonte numérique applatit le caractère d'un bouquin. A ce titre, après le néammoins excellent "Notes pour une histoire de guerre" sorti chez Actes Sud, les autres éditeurs auraient pu reconsidérer l'utilisation d'une police ordi, même créée pour l'occasion comme cela semble être le cas, comme stipulé dans "Le local" (chez Gallimard). "Extérieur nuit", pour moi le meilleur ouvrage de Gipi à ce jour (et paru chez Vertige Graphic), méritait, je crois, un lettrage manuel. Bon, un magnifique bouquin reste un magnifique bouquin, ok, "maaaaiiiiiis"...
Le lettrage à l'ordi en bande dessinée, à l'instar de la colorisation, c'est un vrai petit fléau. Combien de bouquins dépossédés de la fluidité naturelle, de la spontanéité offerte à leur lecture, par la faute d'un lettrage fait à l'ordi, tuant toute expressivité... Parfois, cela fonctionne. Et certains lettrages traditionnels sont aussi foireux qu'à l'ordi, également. Bref. Tout ça pour dire qu'un bouquin bien lettré, c'est vachement cool.
Bon, où j'en étais, moi ? 8)

=> Ce mardi soir, dès 18h30, à l'Atelier de Photographie (Besançon), rencontre avec Thierry Pech, le directeur de la revue "La vie des idées", et secrétaire général de la République des idées, et avec Martin Hirch, président d'Emmaüs France et de l'agence nouvelle des solidarités actives.
Petit compte-rendu éventuellement dans les jours qui viennent...

=> Dan Clowes interview & reading from "The Secret of Drawing" 14 min, 52 MB .mov file.

=> Dernière piqûre de rappel :

LiltripPolychromeTour

Akroe et Krsn et leur dernier bouquin ce vendredi après-midi, et le soir, heavy soirée avec dj Rokea, Krsn, Feetwan, moi-même et surtout Tacteel. A l'Asylum, Besançon ; viendez tôt !

=> Once again, thanks meussieur Ease :

et pendant qu'on y est, 30 secondes de votre précieux temps à différencier l'originale et la copie (lien gracieusement refourgué à nos ami(e)s graphistes).


=> On air on jUne Radio :
- "Bongo rock", par l'Incredible Bongo Band, un album enfin dispo à nouveau (thanks Mr Bongo), avec "satisfaction", "apache", et plein d'autres pépites.
- Eh ben voilà, il suffisait de demander. "The Life Aquatic - Exclusives Studio Sessions", du bien perché Seu Jorge, ou comment réinventer Bowie et se rendre compte, finalement, quand même, qu'il à écrit de bien belles choses, ce Bowie ! Sorti chez Emi.
- "Funk doubistes" et "Bestown state of mind", mais j'aurais pu aussi bien citer tous les titres de la démo (à tomber par terre, au passage) proposée par Electrons Libres, une des très très rares coallitions françaises à pondre un hip hop intelligent, intelligible, et carrément frais. La production est terriblement riche et inspirée, la résultat détonne. "Le rap est mort, vive le rap", comme ils disent ; c'est un bien joli zombie qu'ils nous agitent là... (à checker notamment sur myspace).
- Je pense pas que "With voices" du duo AmmonContact soit leur best truc ever, mais ca reste simplement excellent (et chez Ninja) ; et puis quelques collaborations plutot réussies, avec notamment Dwight Trible (bon, c'est pas une surprise), Sach from The Nonce, Daedelus, Cut Chemist, Yussef Lateef, et même Prince Po. Slurp.
- Quasimode "Oneself likeness", chez Raw Fusion. J'ai pas dit Quasimoto, hein ! Même si Quas, ca déchire, hein... Bref. Quasimode. Very modern jazz. Japon. Quartet. Superbe.
- Gum Drop "Hi-falutin" (Altered Vibes), l'énième projet de Rob Mac, est clairement un des trucs les plus excitants de l'année. C'est carrément bancal par moment, mais son mélange d'électronique super-hi-tech de traviole, d'inspiration parfois très soul, et de hip hop comme base absolue, fonctionne carrément bien par mes oreilles.
- Dave Bailey Quintet "Reachin' out" (Jazzline). On en causera plus tard.
- La plus belle pochette de l'année est peut-être bien celle du "Slow broiled ilk" des Foreign Beggars avec OhNo et Dubbledge (Casual/Dented) ; en plus d'être un excellent maxi avec du vrai bon hip hop dessus, même si peu surprenant, son enrobage est carrément chouettosse.



Allez hop, c'est tout.
A plus tard, peut-être.

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