27 septembre 2006

GIMME THE FUNK...

"...où Ju livre un vibrant plaidoyer pour cette musique, qu'il écoute encore plus depuis qu'il s'est rendu compte qu'il ne serait jamais, jamais noir." (Evelyne, sa mère).
"...ouais, il enfonce surtout d'énormes portes ouvertes, comme d'hab." (Monkey, son pote).

Je sais qu'ils sont nombreux, ceux qui pensent que la soul, que le funk, sont des musiques d'une autre époque, réservées à de vieux nostalgiques aigris ou à de jeunes frustrés, persuadés d'être nés à une mauvaise époque, celle du tout-numérique, où les gens qui font parler d'eux pondent des albums entiers sur leur laptop.

Oh certes, on imagine bien qu'il subsiste quelques combos ici ou là, probablement au fin fond du Wisconsin ou de l'Iowa, composés de mecs se retrouvant le dimanche après-midi pour jammer dans une cave à la con, à reprendre des gros standards... Et la première pétasse couinant un peu sur son piano se faisant qualifier de chanteuse très sooouul, les vieux clichés ont la vie dure : coco, en 2006, t'écoutes de la soul ? T'écoutes du funk ? C'est pas un peu has been, quand même ? Un peu à la traîne, peut-être ?

Le fait est qu'après plusieurs années à aller de concerts en concerts, de festoches en festoches, et avec un minimum d'ouverture d'esprit quand aux affiches proposées, une évidence m'est apparue : cette scène soul-funk jouit d'une vitalité qui rendrait verts de jalousie un gros tas de pop bands, une ribambelle de groupes de metal, un paquet de dj's. Sur scène, l'énergie que chacun de ces groupes dégage et s'emploie à faire passer à son public (qui en redemande) fait penser à un très gros appel du pied.

Oui, "notre" musique, celle qui nous fait grimacer et qui nous stimule tellement, qui nous transporte et nous habite autant, se porte à merveille. Ce n'est pas qu'un revival, et ce registre musical n'a pas attendu qu'un canard musical cite la scène afro-funk new yorkaise pour vivre et s'épanouir en toute liberté, en toute quiétude.
Certes, quelques dj's célebres avaient su diffuser, ici ou là, quelques artistes témoignants d'une forme resplendissante, voire même placer quelques morceaux de certains de nos contemporains dans telle ou telle compilation, mais bien souvent réservées à une poignée d'initiés... Il y avait bien eu quelques remous lors de la fameuse période dite de l'acid-jazz (terme qui à le don d'énerver tout le monde aujourd'hui, mais n'a t'il pas eu le mérite d'accrocher un paquet de jeunes zozos au grand soul train ?), et puis on trouvait quelques bonnes compilations mêlant classiques oldies et nouveautés inconnues (ca coûte pas cher et ca remplit une compil', coco), jusque dans ces bazars de type fnouc, c'était dire. Bref, les gros acharnés du Rhodes et les bidouilleurs d'Hammond avaient réussi leur coup : le funk, sous-médiatisé ? Trop old-school ? Un trip de musicos jammers, seulement ?

En 2006, les spécialistes feront leurs propres constats, il va falloir des années pour pondre des stats tellement le réseau est un truc qui tient presque du domaine de l'intime, et dont tout le monde semble se foutre.

Pendant que les plus éminents distributeurs français réduisent leurs catalogues de titres disponibles à peu de chagrin, et que ce que l'on croyait être de véritables incontournables (et je ne réduit pas mon laïus à la soul-funk, hein) disparaissent purement et simplement des listings de "produits disponibles en stock", certains semblent simplement s'éclater, se faire plaisir, et se ficher éperdument qu'en 2006, il faille absolument ratisser large sur myspace pour avoir une ligne quelque part... Une ligne ? Quelle ligne ?!

Avec Laulau, pote essentiel dans mon épanouissement musical (entre autre, hein), et dôté d'un formidable savoir musical, on se refourgue souvent des tuyaux, des trucs qu'on a pas envie que l'autre loupe. Bon, ok, il m'en refourgue beaucoup plus que moi je ne lui file, mais bon.
Pendant des années, Laulau tournait autant dans les vieux, vieux trucs (pionniers de la musique concrete, soi-disants seconds couteaux de formations jazz oubliées, trafiquants de psychobilly nord-finlandais, tripoteurs de tablas du sud Rhadjanhapadrathrakistan) que dans les nouveaux (si Autechre a autant de fans à Besançon, depuis trèèèèèès longtemps, c'est que ça lui a quand même pris des années d'éducation lente et peu aisée), du truc de hip hop progressiste tiré à 22 exemplaires au nord de Seattle au jazz expérimental de ces japonais qui ont fait la première partie de la première partie lors d'un concert de... Bref. Ces derniers temps, même Laulau décroche du hip hop, ayant du mal à trouver autant de choses susceptibles de le rassasier qu'auparavant.

Cette grosse tanche de Casual Raclo, gigantesque ami désormais dijonnais que je porte haut en mon coeur malgré sa provenance géographiquement obscure (Pagney, est-ce dans le Jura ? En Haute-Saône ? Dans le Doubs ? Qui le sait, au juste ?), pourtant éminent connaisseur et amateur de drum'n'bass (la "vraie" drum'n'bass, pas celle des punks Frolic, à ne pas surtout pas confondre), me confiait l'autre jour qu'il était à donf de funk en ce moment. Il dissimule difficilement son début d'afro, mais personne n'est dupe : Alcor is funky as shit, yo.

Mon crew à moi, les mecs du Retour du Boogie : un ramassis de beat heads qui ne pensent qu'à headbanger sur du gros hip hop bien fat, you know. La culture suburbaine à bloc, sur fond de breaks, de samples... Et des années plus tard, lorsque le vaste monde du hip hop redevient un territoire envisageable, avec ses leurres mais aussi ses classiques, ses incontournables, ses trouvailles, ses génies, qu'est-ce qui remonte à la surface ? Le flow et les lyrics de tel mc, mais aussi (et surtout ?) le talent de tel ou tel producteur, qui a eu l'audace ou bien la finesse d'isoler telle boucle, telle mesure, pour en faire un truc énorme. Une boucle qui vient d'où, bien souvent ?

Mine de rien, en discutant également de ça avec mon bro Monkey autour d'un délicieux thé noir de vrai bourgeois parisien, un truc m'est apparu : le meilleur concert auquel j'ai assisté cette année ? Je sais pas, je saurais pas dire.
Mais le dernier gros-gros-gros truc qui me revient en tête, c'est la prestation de Sharon Jones au Noumatrouff de Mulhouse, il y a quelques mois. Une vraie tornade afro-soul-funk, d'un faux classicisme confondant, et qui, après 90 secondes sur scène, avait déjà retourné et mis dans sa poche la salle, point barre.
Un autre truc qui devrait me revenir ? Voyons... Je cherche en matière de hip hop, par exemple, mais franchement, je vois pas. En electro ? Boaf. Ma faible tolérance pour la pop a t'elle laissé filtrer un truc énorme ? Nan. En jazz ? Je suis pas suffisemment inside pour juger, j'ai comme une épée de Damoclès qui pendouille au dessus de mon crâne rien que de taper ça... Bon, alors une autre claque sur scène ? Mmmmh... Ah si ! Antibalas à Dijon, à La Vapeur, il y a, je sais plus, moi, 3-4 ans ? Ouais, Antibalas ! Un bon paquet de cramés qui envoient du lourd, grave. Mortel concert.
J'essaie de repenser à une autre claque scènique mais... Ah si ! Je repense au gars Jamie Lidell, live stupéfiant aux Eurocks d'il y a euh, 2-3 ans aussi ? Et quand je repense à Jamie, c'est pas ses élucubrations electro-break à base de grosses loops qui me viennent en tête : c'est le mec qui coupe ses effets, et qui vient au bord de la scène avec son petit micro et sa tête de rien, pour chanter de la soul, mais une soul lascive, sensuelle, vraie, profonde, qui fait tomber les filles amoureuses et rend les garçons hagards. La claque ! Des frissons, rien que d'y repenser.
C'est marrant, 3 concerts marquants ces dernières années, 3 sets basés sur un funk surpuissant...

Et les disques dans tout ça ?
Forcément, autant c'est facile de faire le tri dans les concerts marquants (pour moi), parce que je ne sors pas non plus 3 fois par week-end, autant essayer de classifier par genre mes claques "sur disque" relève du défi impossible à relever.
Et pourtant, si je devais jeter un oeil sur les disques que je ne vais jamais chercher dans leur casier parce qu'ils sont DEJA sortis et traînent en permanence autour des platines, et en tirer une liste, le résultat serait hautement explicite : les 3/4, au grand minimum, tournent autour de la chose funky, du trip soul. Old school de l'ordre de l'incontournable, ou truc passé à côté de tout, à telle époque, et remis à flot par le biais d'un label, d'un selector ou d'une volonté de partager de la pépite.

En ce moment, autour de mes platines depuis des mois (faut qu'je range) :
- soul moderne (au sens -très péjoratif- "r'n'b" du terme, s'entend) de Raphael Saadiq ou de Name, avec ou sans Spacek : à donf de machine, mais tellement "flesh". Ou bien Yarah Bravo qui ronronne sur un plus énervé qu'il n'y parait "Cumshots" avec Vads toujours aux machines.
- funk à base de machine aussi avec les Marc et les Dego, davantage dans leur trip Dolis Hill que 4 Hero ou Tek 9 : furieusement groovy, baby. Et 100% machine, donc.
- soul-jazz contemporain avec la troupe de Carlos Nino, avec Dwight Trible au mike, Nate Morgan au Rhodes, qui reprennent du Pharoah. Pffffft. Ou Declaime qui pleurniche sur "Flowers". Slurp.
- hip hop à base d'original funk avec Lacksidaisycal (avec Dwele ou Slum Village), ou bien la reprise par MF Doom du "Method Man" du même (sur un Special Blends).
- soul-funk "d'époque", on brasse large (mais bonnard) avec les rééditions Counterpoint, Harmless, Strut, des français Follow Me, et bien d'autres.
- soul "d'époque" avec Leroy ou Curtis. Ou Weldon. Ou Shuggie. Ou Sly. Ou... Merde. Faut vraiment qu'je range.
- funky boogie moderne avec "the missing suitcase" par the Herbaliser, version live.
Ou bien mieux, avec l'énorme machinerie Hammond/heavy drum/huge wah du furieux quator Stoned Soul Picnic : un album arrive chez Soul Cookers (ils sont forts ces Garcia bros !), il est simplement énorme, et s'inscrit directement comme l'un des disques incontournables de ces 2 dernières décennies, en matière de pur deep funk. Cash, ouaip.

Je m'en vais d'ailleurs le repasser de ce pas.
Keep it funky !

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