29 août 2019

Bouquins d'été.


C'est le premier été où je lis si peu de bande dessinée depuis longtemps ; mais quand je l'ai fait, je me suis appliqué et j'ai pas trop léché mes doigts avant de tourner les pages, promis.

Meilleures lectures de ces dernières semaines :
- "Solo", de Gilles Rochier, chez Casterman : comment traduire, comment exprimer le désarroi lorsqu'il touche simultanément des millions de personnes ? Rochier, dix ans après l'excellent "Temps Mort" chez 6 Pieds Sous Terre​ (l'un de ses tout meilleurs bouquins, au passage), revisite le trouble consécutif aux attentats de 2015 avec un brillant stratagème qui fonctionne super bien. Le sujet est casse-gueule, mais le type s'en sort plutôt très bien (malgré une bichro un peu morne), et ajoute un super titre à sa biblio.
- "Tu dessines encore ?" de David Scrima​ (auto-édité), un recueil de 450 pages de dessins évoquant, explorant, narrant le rapport de l'auteur à la musique. C'est du 100% Scrima : c'est à hauteur d'homme, de passionné, de fan, mais c'est jamais du blabla d'érudit, ça reste des considérations textuelles et dessinées autour de ce vaste sujet, très simplement. 18 balles pour un bouquin qui se compulse au fil du temps et des disques que l'on retourne. Miam. 
- "La Face Cachée", de Nicolas Moog (édité par La Face Cachée, justement): si un jour vous avez apprécié mettre les pieds chez un disquaire, les 32 pages de ce bouquin-hommage au très chouette disquaire de Metz "La Face Cachée​" devraient faire vibrer votre petit cœur. C'est de la tranche de vie(s) qui résonne(nt) auprès des mélomanes de tous poils, et Moog sait faire ça, faire résonner les choses. Ça ressemble à un petit livret modeste (mais de belle facture) et ça lui donne encore plus d'importance.
- "A terre", de Marie Mirgaine​ (Ion Edition​), un cahier de dessins qui triturent la matière papier avec énormément de réussite. C'est très beau, et c'est très facile de se laisser aller et de se perdre dans les compositions et recompositions cheloues de cette jeune autrice, dont les quelques élans narratifs perceptibles donnent envie d'en lire plus long.
- "Mimi Cracra entend des voix" de Coline Hégron​ (Très très bien), une courte relecture de gniagnia Cracra, hilarante et bien sentie, par une jeune autrice échappée un temps de l'EESI à Angoulême, dont on a hâte de lire davantage de trucs aussi.
- "Morveuse", de Rebecca Rosen (L'employé du Moi​) : un bouquin qui évoque beaucoup de choses, dans le fond et dans la forme, et qui pourrait faire un peu penser à une jeune héritière de Julie Doucet ou de Dominique Goblet (dans les thèmes explorés et leur traitement) mais dont le dessin évoque tantôt Dash Shaw, tantôt le Mazzu d'Astérios Polyp (pas mon Mazzu favori, mais bon). Un sacrément bon premier bouquin !
- "Zone Z" de Renaud Thomas (Éditions Cornélius​) : 160 pages de désorientation complète, sorte de dystopie faite avec une plume rugueuse qui abîme le papier, de la même manière que cette société éprouve l'humain.
Le monde s'est cassé la gueule, et il fallait l'approche fragmentée et labyrinthique de Renaud Thomas pour imaginer une aussi belle manière de raconter ça en s'appuyant sur l'essentiel : peu importe où l'on va et pourquoi on le fait, cette société est ainsi faite que même par terre, elle abîmera nos boussoles, et on restera paumés, à jamais, malgré tous les buts et les objectifs que l'on voudra bien faire semblant de se donner. Un formidable bouquin, d'un auteur d'autant plus rare qu'il est aussi un éditeur fort occupé, et on enchainera avec des comparaisons flatteuses mais justifiées pour plus tard.
- "Petit Paresseux" de Thy-lane Monnet​ (Très Très Bien) : encore une petite manifestation du talent insolent de certain.e.s étudiant.e.s d'écoles d'art charentaises, avec un univers graphique, narratif, chromatique déjà super solide et qui donne envie d'en lire beaucoup plus. Ici, une suite d'historiettes pleines de poésie et de délicatesse, dont on a hâte de lire les 500 pages suivantes (parce qu'il faudrait au moins ça), un peu comme si le "Tulipe​" de Sophie Guerrive​ était réinterprêté par Beckett, avec le dessin de... je sais pas moi... Ben de Thy-Lane Monnet, donc, par exemple.
- "Sunny Sun" : oui bon voilà quoi.
- "Give Up Activism" : un pamphlet qui résume les mille sacs de nœuds dans ma tête, causés par les mille coups de semonce de ces dernières années : répression policière hardcore, ultra-libéralisme joufflu, système capitaliste en mode super saiyan, imperméabilité des différents ennemis de ce système à entrevoir les batailles communes (à défaut d'y voir une guerre). Ça se choppe partout où l'on trouve de la critique sociétale digne de ce nom (hint : checke ta librairie anar !), vindzouss, mais sinon c'est ici : falldistro@gmail.com ; c'est pas de la bédé ? Ah bon, pardon.
- "Anti-Reflux #2", de David Amram​ (auto-édité) : déboulant sans faire de bruit, un type que l'on croise ici ou là depuis des années (et dont on sait qu'il fait de la bande dessinée sans en avoir vu un trait) signe les pages parmi les plus emballantes du moment. Tu veux du spleen existentiel ? Du faux gag poisseux qui colle aux semelles, avec une acidité persistante même après avoir refermé le zine ? En voilà. En quelques pages, un univers incroyablement bien installé, croisant quelques influences notables (pas les pires, au passage) qui apparaissent de manière flagrante mais de façon vraiment réexplorée. Vivement le #3. Et les suivants.

Allez zou.

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