19 décembre 2023

2023 🎧

Quelques-uns des disques que j'ai écouté et réécouté cette année, en y glissant malgré tout des choses sorties très récemment sur lesquelles je n'ai pas forcément eu le temps de revenir "assez"... Ça veut dire quoi ? J'en sais rien, on verra. 😅

Les 6 derniers sont des rééditions de trucs un peu plus vieux, mais pas tant que ça : généralement, j'ai moins eu les pieds dans le passé que d'habitude, j'ai moins rincé de vieux trucs que les années précédentes. Ça veut dire quoi ? J'en sais rien non plus. 😬

Donc :

• Fuensanta "Principio del Fuego" (GroundUP Music)
Chanteuse et contrebassiste mexicaine basée à Amsterdam, bien installée dans la scène improv (il y a sur youtube un formidable live de 2021, un duo avec le génial percussionniste hollandais Han Bennink). Vachement de poésie, une identité forte, une présence incroyable. Un album trop court mais vivement la suite.

• Navy Blue "Ways of Knowing" (Elsesser / Def Jam Recordings)
4ème (et plus abouti) album d'un jeune rappeur qui a déjà eu plusieurs vies, épaulé par Ysiin Bey ou Ka : réfléchi, introspectif juste ce qu'il faut, et pas juste la caricature de bégé skater qu'il a été. Il se passe tellement de choses dans le rap moderne, c'est assez vertigineux, et un peu frustrant de ne pas pouvoir arpenter Bandcamp toute la journée...

• Shana Cleveland "Manzanita" (Hardly Art)
Dans la tradition de la NY poetry scene des 60's, la femme à tout à faire de La Luz tape un nouvel album complet, abouti, avec ce qu'il faut de taf sur les arrangements : bluffant. Cleveland revient après un break court (le temps de cogner un cancer du sein, puis de revenir). Californie, folk mélancolique, Mellotron : beaucoup de love, mais ce monde en a besoin.

• Surprise Chef "Friendship EP" (Big Crown Records)
Les cinq australiens conjuguant soul cinématique et production tight comme on aime sont de retour le temps d'un EP chez les gros kings de la soul new-yorkaise. D'aucuns leur reprocheront d'être ensevelis sous leurs influences flagrantes (indice : on parle pas d'Axelle Red), et ça peut s'entendre, mais entre leur gros gros bagage technique (l'air de rien), et leur générosité humaine qui transpire dans chaque seconde de silence (ou dans chaque interview), moi je leur passe tout, j'avoue.

• Laurel Halo "Atlas" (Awe)
Un album ambient avec des machines, du piano, des cordes et surtout des ambiances (le premier qui dit "à la Eno" a perdu) qui conviennent à plusieurs moments de la journée, et -tiens donc- made in Ina GRM à Paname. J'ai pas suivi les travaux précédents de cette musicienne mais ça ne saurait tarder.

• Sierra Manhattan "Which Life, The Friends" (AB Records/Another Records/Fun Club Records)
La recette est désormais installée : bedroom-sleaze-pop qui ne joue pas plus haut que son cul, mais qui décoche toujours la flèche au bon endroit, pile entre le cœur et l'oreille, ayant compris qu'il n'y a avait pas besoin de 800 accords pour faire siffler le printemps.

• Resavoir "Resavoir" (International Anthem)
Quand il ne joue pas avec son groupe Whitney ou qu'il ne conduit pas le dernier album de Sza, Will Miller fait passer sa trompette dans son ordi, en passant par pas mal de trucs avec des boutons. Ça donne un future jazz de slacker-geek, mais ça ronronne, ça stimule, c'est inventif et c'est surtout assez inspiré. Et c'est sur le meilleur label de l'année. Comme l'an passé. Et l'année d'avant, sûrement. Et... Ouais, bref : International Anthem, encore et toujours.

• Armand Hammer "We Buy Diabetic Test Strips" (Fat Possum)
La hype indé ne désenfle pas au sujet de Billy Woods et Elucid, et ils cochent pas mal de cases pour ça, avouons-le. Leurs projets se suivent, se ressemblent assez souvent, mais flottent largement au dessus de l'essentiel des propositions rap de leurs contemporains : c'est clever et entêtant, bien construit et bien argumenté ("Aethiopes" de Woods était l'un de mes albums favoris l'an passé, déjà : je bloque un peu, comme beaucoup).

• Mac DeMarco "One Wayne G" (Mac's Record Label)
10 heures de musique, 200 morceaux. Était-ce raisonnable ? On s'en fout ("Who cares ? Why not ?" comme nous le disait le canadien dehors après son concert parisien au printemps), mais sortir de telles chutes, de telles démos (accumulées sur 5 ans environ), c'est s'adresser à un certain type de public, pas à tout le monde. Le Mac qui montrait son cul sur scène n'est plus tellement là, on rigole moins (non : on rigole différemment). Mais l'ampleur du spectre exploré, entre city-pop japonaise de la grande époque, ritournelles pop mal enregistrées, expériences new âge planantes et démonstrations de songwriting au poil, en impose un peu tout de même.

• Rozi Plain "Prize" (Memphis Industries)
Un nouvel album de folk-pop planante et douce comme du coton, dans lequel on court se réfugier dès qu'un nuage passe : probablement le meilleur de Rozi, sans reprise de Sun Ra contrairement à l'an passé mais avec des compos en suspension, des envolés cosmiques et des arrangements chiadés comme jamais. Sa voix fragile, toujours sur le fil, est incroyablement à l'unisson de ses constructions spatiales. Super chouette.

• Khali “Il me ressemble pas non plus" (Palmer, 2022)
C'est sorti trop tard l'an passé, alors voilà la carte new-wave du peura français du moment (alors qu'il vient de sortir un truc il y a 10 jours, pffff !). Voix triturée à l'extrême (trop, pour beaucoup), textes d'une sincérité qui détonne dans une scène embourbée dans ses codes de merde, le type est ultra touchant pour qui accepte d'accueillir ses propositions. La proposition est radicale, et ceux qui n'ont toujours pas accepté l'autotune peuvent laisser tomber pour aller voir MC Solaar remplir ses zéniths avec ses versions orchestrales, tout ça.

• Asher Gamedze "Turbulence And Pulse" (International Anthem)
Le batteur sud-af signe un deuxième album de post-jazz spirituel à la fois brut et chiadé, avec beaucoup d'intentions très réfléchies et poussées au bout de leur truc. Il faut réécouter l'ensemble, et comprendre ce qui anime le bonhomme, son projet, ses compositions, son jeu, ça en vaut la peine. "Dialectic Soul", paru chez On The Corner en 2020, était déjà dans le même mouvement, dans la même optique. Les deux se complètent et se répondent de manière assez géniale.

• Mac DeMarco "Five Easy Hot Dogs" (Mac's Record Label)
Avant d'ouvrir son disque dur pour en sortir 10 heures de démos variées (voir plus haut), Mackie avait sorti en janvier dernier un petit bijou d'introspection mélancolique, entièrement instrumental, où il prouve qu'il est bien incapable de stagner dans son coin. Preuve en est : au sortir du confinement, le type a chargé une partie de son matos dans son coffre, et a traversé les USA en faisant plusieurs étapes où, tranquilou, il alla s'installer dans des motels anonymes pour "essayer". Le résultat est là, il est spleenant mais vachement beau. Aux antipodes des power-pop songs ultra fédératrices au gimmick parfait de ses débuts : l'évolution musicale de ce type est épatante, je trouve.

• Sampha "Lahai" (Young recordings)
Un nouvel étalage post-soul néo-conceptuelle de la part du type au timbre de voix le plus touchant qui soit : quand il n'est pas en train de taffer pour le gratin, Sampha signe de magnifiques, magnifiques albums ultra intimistes et fatalement, bigrement universels.

• billy woods & Kenny Segal "Maps" (Backwoodz Studioz)
L'album hip hop de l'année, que tout le monde cite comme tel, et peut-être que parfois les autres ont raison, j'en sais rien. Que dire qui n'aurait pas déjà été dit au sujet de ce disque réussi de bout en bout ? Le dernier couplet de "As The Crow Flies" me fait chialer à tous les coups, je sais c'est pas un argument mais : bon.

• André 3000 "New Blue Sun" (Epic)
On a vu passer dans l'histoire de l'industrie du disque bien des flûtistes plus doués que Three Stakes, plus inspirés aussi, etc. Mais quel bonheur de voir la moitié d'Outkast se faire plaisir, tout simplement, en mode : il est temps. Et qui de mieux que le toujours formidable Carlos Niño pour contribuer à l'effort ? Cet album m'embarque pour ça. Les pistes ne sont pas toutes inoubliables, mais elles valent aussi pour ce constat humain d'un type vachement touchant, depuis le début, et peut-être plus encore aujourd'hui.

• Jantra "Synthesized Sudan: Astro-Nubian Electronic Jaglara Dance Sounds from the Fashaga Underground" (Ostinato Records)
Pendant que les Soudanais s'entretuent sans que BFM n'en fasse un titre, Jantra distille son mélange de tradition et de modernité à grand coup de Yamaha customisé, offrant ainsi une dance-music polyrythmique et hypnotique singuliere et habitée. L'histoire derrière le type est assez folle, celle du matos trafiqué aussi : ça ne gâche rien, car la vibe est cosmique à donf, en mode transe footwork singulière, assez géniale.

• Blackjoy "Figures" (Les Rythmes Ruban)
Douze ans après son dernier album, le producteur aligne une suite d'hommages inspirés par des figures inspirantes. Les compos sont axelrodiennes en diable, comme portées par l'énergie de ces monstres convoqués pour prêter leurs noms à 7 titres ramassés juste ce qu'il faut (20 minutes en tout, après douze ans ? Come on, bro). La prod est lumineuse, ça ronronne de partout.
L'idée pouvait interroger, mais s'avère bigrement bien ficelée : incarnée avec finesse et à-propos, "Figures" va chercher la bonne énergie pour se coltiner en mode low-tempo délicate et incisive à l'adversité ambiante.

• Boucherie Chevaline "Vautours" (Bouche Rich)
Absorbant la matière rap comme peuvent le faire Sensationnal ou Kool Keith à l'occasion, c'est à dire aux antipodes de ce qui se fait, celui qu'on appelle Boucherie Chevaline a encore frappé. Le type est tout seul dans sa partie, il est à la fois le joueur, le jeu et les règles. Mon conseil : au casque, ça révèle quelques subtilités assez singulières.

Hop ! Les ré-éditions :

• Thomas Almqvist "Nyanser" (Mistlur, 1979 | Be With, 2023)
L'un des albums essentiels du guitariste suédois enfin réédité, et ça en valait la peine : un kaléidoscope qui fouine dans tous les coins, avec des morceaux magnifiques en forme de paysages, à moins que cela ne soit l'inverse. Un baume pour les oreilles, le cœur, l'âme, qui donne envie de suivre également de plus près les trajectoires de chacun.e des formidables musicien.ne.s présent.e.s sur ce disque, encore tou.te.s jeunes à l'époque.

• 5-Elementz "The Album Time Forgot" (That Was Entertainment, 1998 | Most Wanted Records, 2023)
Detroit ! J Dilla ! Un classique inchoppable pendant longtemps, et désormais dispo. Enfin : sur CD, ok... Mais bon. Et un tout petit peu moins pourrave que les fichiers trouvables sur le web. Mais bon.

• The Folk Implosion "Music For KIDS" (Domino)
Le film "Kids" d'Harmony Korine, en 95, c'était : Rosario Dawson ; Daniel Johnston ; et Folk Implosion, marque indélébile de cette période. Lou Barlow et John Davis ressortent tout ce qu'ils ont fait pour le film, y compris quelques trucs inédits. Ça pue la nostalgie 90's, et je pensais pas vivre ça un jour, mais on est peu de choses, mon bon meussieur.

• Benny Sings "Champagne People" (20th Anniversary Edition)" (Dox Records, 2003 |
C'est l'album suivant qui m'a fait connaître le hollandais Benny Sings (via la clique Jazzanova) mais celui-ci résume assez bien son époque, lui aussi : inspirations rétro guimauvesques, production à l'écoute du moment, songrwriting ultra-soigné, curiosité full spectrum, peut-être trop pour séduire un public large. L'ultra-prolifique Benny est resté un trésor d'initiés, et il vient de sortir un 4ème disque chez Stones Throw, en 4 ans, tape des collabs en veux-tu en voilà, ça devrait donc enfin changer pour lui, et ça serait largement mérité.

• KMD "Bl_ck B_st_rds" (Elektra, 1994 | Rhymesayers / Metal Face Records, 2023)
Je n'avais ce classique en ma possession que sur cassette dupliquée, et après 30 balais, pas sûr qu'elle passe encore très bien.

• De La Soul "De La Soul Is Dead" (Tommy Boy, 1991 | Chrysalis / AOI Records, 2023)
Je n'avais ce classique en ma possession que sur vinyl d'époque, complètement grillé.

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