Le grand vocaliste Leon Thomas reprend "Song for My Father" en 1969 sur son magnifique album "Spirits Known And Unknown", paru chez Flying Dutchman, bien accompagné : Cecil McBee et Richard Davis à la contrebasse, Roy Haynes à la batterie, Lonnie L. Smith au piano, etc... Oui, je sais : "toujours les mêmes" ; je ne pense pas avoir assez de toute une vie pour apprécier pleinement le travail de ces types.
Au passage, il s'agit du dernier morceau de la première face, qui commence, excusez du peu, par une version plus modérée de "The Creator Has A Master Plan (Peace)", l'œuvre astrale, cosmique, sidérale composée par Thomas et Pharoah Sanders un jour où le type était probablement en train de s'étirer entre deux galaxies. Initialement, le morceau dépasse les trente minutes et en deux mouvements, occupe toute une face de son album "Karma", publié d'ailleurs quelques mois plus tôt, la même année que le "Spirits..." de Thomas. L'époque était folle.
Bref.
"Song for My Father" est bien entendu une énième version du classique du grand Horace Silver, qui l'a sorti 5 ans plus tôt, en 64 (avec Silver au piano, Joe Henderson au tenor -ce solo !-, Roger Humpries à la batterie, etc). Devenu rapidement un standard, la vibe brésilienne de la version originale glisse pourtant ici dans d'autres habits. On délaisse l'empreinte de la bossa pour aller un peu plus au dessus des nuages, avec des paroles écrites par la compositrice et chanteuse Ellen May Shashoyan. Parce que la vie est ce qu'elle est, cette dernière n'aura pas enregistré elle-même son propre texte avant 1989, que l'on retrouve sur un disque chez New Ark Records, d'ailleurs la première référence du label : ça sent bon le private press.
Sans fausse pudeur, écouter ce morceau le 31 mai de chaque année est pour moi une manière comme une autre de saluer une figure paternelle à la fois absente (52 ans : ça c'est de l'absence !) et très présente, curieusement.
De toutes les nombreuses reprises faites de ce classique, la version chantée par Leon Thomas me semble être la seule à la hauteur de l'originale de Silver, simplement instrumentale et qui laissait ainsi des trésors d'imagination se développer sans mots écrits pour la figer.
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