24 septembre 2013

1 fanzine par jour : Houses of the Holy, par Caitlin Skaalrud.


Houses of the Holy, par Caitlin Skaalrud,
144x228 mms, 24 pages, 2013, Talk Weird Press.
http://talkweirdpress.com

A quoi peut-on reconnaître quelqu'un de talentueux, de prometteur ? Peut-être à la simple constatation que chacune de ses publications est plus aboutie, plus convaincante, plus enthousiasmante que la précédente ; et que la première, déjà, donnait l'impression d'une solide révélation.

House of the Holy est le quatrième bouquin de la jeune Caitlin Skaalrud, une artiste ayant obtenue le soutien de ses pairs via la fameuse bourse Xeric accordée par la fondation du même nom, l'an passé.
Depuis, Caitlin, entre deux réglages de sa propre presse offset (oui oui : une presse offset ; on est loin du Riso, les amis…), n'a de cesse de creuser sa place au sein des jeunes auteurs cainris qui comptent déjà, et il semble évident de considérer cette nouvelle parution comme une belle confirmation des espoirs que certains glorieux aînés laissaient entrevoir à la découverte de ses premières pages. Et c'est avec énergie et fougue qu'elle dirige la petite structure Talk Weird Press, via laquelle elle publie chacun de ses comics.

Après plusieurs expérimentations quand à la narration (dans “Sea Change”, elle proposait déjà une lecture basée sur le principe du “livre dont vous êtes le héros”, avec des sauts de lectures dépendant du choix du lecteur), House of the Holy aborde avec une grande réussite une suite de dessins narratifs parfois pleine page, ou reprenant un découpage de page au cordeau. On a affaire à quelqu'un qui réfléchit à ce qu'elle fait, et cela se ressent à chaque page…

En se renseignant un peu, on constate que la jeune Caitlin Skaalrud considère avec rigueur et sérieux le rôle de l'artiste aujourd'hui, en prenant soin de différencier la part de divertissement qu'on trouve dans l'art et ce que l'on est en droit d'en attendre : s'il y a de l'ambition dans le propos, on peut se féliciter de voir dans chacune des nouvelles productions de la demoiselle quelque chose qui fait acte de cette posture. Et c'est de mieux en mieux, alors…
Si vous avez l'impression que votre curiosité pour la petite édition n'a jamais été autant sollicitée pour le meilleur et surtout le pire (et encore plus depuis l'avènement des réseaux sociaux), voilà qui pourrait bien vous réconcilier avec la jeune création.

Il y a une forme de poésie de ce qui ne se dit pas dans House of the Holy. Une forme d'importance accordée au côté primordial du ressenti (du ressenti ancestral, pourrait-on dire), ce genre de choses qui n'est pas enseigné et qui échappe à la science ou à la transmission dans notre société. Certains appelleront ça spiritualité, et pourront aussitôt classer cette histoire dans le bac des choses métaphoriques fantastico-chiantes : il n'en est rien.
Il s'agit simplement d'une très très belle manière de parler de soi en échappant aux formes ressassées de l'autobiographie (omniprésente dans la création contemporaine, là aussi pour le meilleur et le pire), tout naturellement, mais avec un vrai travail sur la forme, pertinent et exigeant.
Et c'est très joliment fait, même si rude et douloureux à la découverte…
A découvrir, vite vite vite.

(note : j’ai écrit cette courte chronique initialement pour "1 Fanzine Par Jour", un tumblr mis à jour collectivement par plusieurs passionnés de l'objet fanzine, initié et créé par Jean-Philippe Garçon en 2011, aujourd'hui un poil moribond)

Aucun commentaire: