18 octobre 2015

Mind playing tricks on me.

Attention : si vous craignez les notes de blog un peu personnelles, si vous n'en avez rien à foutre des t-shirts, si vous préférez oublier où vous étiez en 96/97, ou si Æon Flux n'est pour vous qu'un navet cosmique sorti au cinoche il y a une dizaine d'années (vous avez raison), vous pouvez aller voir sur un autre site si j'y suis. Non pas que la note suivante soit importante pour qui que ce soit, pour autant...

Je fais des cartons. Je fais encore des cartons. Je fais encore et toujours des cartons, et j'en viens à détester les cartons, les fabricants de cartons, les fabricants de scotcheuses, les déménagements, et l'humanité toute entière. Mais ça va passer ! Comme le disait mon ami Farid : "Oh là là, mais le déménagement, numéro un sur l'échelle du stress...".
Et du coup je balance des trucs, aussi. Je trie aussi, beaucoup ; et notamment des t-shirts. Je suis un peu con sur les t-shirts, j'ai tendance à aimer ça, à les amasser, à les empiler et évidemment, à ne plus savoir quoi en foutre, de ces piles et ces piles de t-shirts que je n'arrive bien sûr pas à jeter, "nan mais parce que tu comprends, j'étais à tel concert quand j'ai acheté celui-ci", ou "Nan mais c'est Jim Lee LUI-MÊME qui m'a envoyé ce t-shirt (*) en 96, je n'assume pas du tout de porter un tel truc aujourd'hui mais je vais tout de même pas le jeter quand même !", ce genre de trucs.
Bref, aujourd'hui, j'ai rangé des t-shirts et je suis retombé notamment sur l'un de ceux qui traînait au fond d'une armoire, sous une pile de "t-shirts à conserver mais pas forcément à mettre", à l'abri de la lumière depuis environ cinq ans. Ouais, je suis arrivé dans cet appartement il y a environ cinq ans de cela, et j'ai probablement posé le t-shirt ici à ce moment là, sans l'avoir jamais touché/bougé/porté depuis. Bon bon bon. Ce t-shirt est un vieux t-shirt d'Æon Flux, bien usé par le temps et les lavages. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas (c'est possible, hein), Æon Flux était une série d'animation new-school américaine qui passait sur MTV dans la première moitié des années 90.
Est-ce qu'il y a de quoi en faire une note de blog, seulement ? Eh, vous me connaissez, hein.


Enfant, il ne m'arrivait que très peu souvent de cauchemarder.
J'ai toujours eu un sommeil profond et au petit matin, je n'ai que très peu de souvenirs des éventuels rêves que j'ai fait la nuit durant. J'ai toujours été impressionné par ces personnes qui notent au réveil (ou même durant la nuit, après avoir été réveillé par leur propre ébullition inconsciente) la teneur des songes qui furent les leurs : ça m'a toujours été impossible, l'impression de quelque chose de très fugace qui déjà, s'en est allé, voilà bien tout ce que je pourrais vainement essayer de décrire.
Nan, ça vaut pas le coup, clairement.

Et puis il y a une grosse vingtaine d'années, j'ai commencé à rêver, à faire des cauchemars.
Il me semble bien avoir lu quelque part que l'on rêve chaque nuit, systématiquement : c'est en revanche de la qualité du sommeil et surtout de sa dernière période (l'on sait en tout cas que la durée du sommeil est soumise à une succession de cycles) que dépendrait l'intensité du souvenir des rêves, au petit matin. Bon. J'ignore tout de ce qui détermine précisément tout cela, mais tout ce que je sais, c'est que je me souviens de mes songes une ou deux fois par an, à tout casser. La plupart du temps, lorsque je me souviens de quelques chose de précis, ça reste souvent complètement incohérent : mes rêves ne sont pas particulièrement ancrés dans la réalité, j'ai souvent bien du mal à trouver d'éventuels liens avec quelque chose qui me serait arrivé réellement, par exemple (bon, à vrai dire, je ne cherche plus particulièrement à le faire, d'ailleurs).
Mais il arrive qu'un élément tiré de mon quotidien ne surgisse, en toute incongruité, au beau milieu d'un rêve qui n'a rien à voir.
Bon, ça doit arriver à tout le monde. Ça m'est arrivé 3 ou 4 fois dans ma vie ; dont une fois, il y a deux nuits de cela.

Il m'est difficile d'établir une liste de mes rêves récurrents : en discutant avec mon entourage proche, il s'avère que la plupart de mes connaissances à qui j'en ai touché deux mots font des rêves (ou des cauchemars) vraiment récurrents. La fréquence varie, elle oscille selon chacun, il va sans dire. Mais la plupart d'entre eux semblent avoir acquis avec le temps une sorte de palette qui semble comme définie, et que leur sommeil explore invariablement, en rapportant tantôt tel élément, tantôt tel autre, mais respectant scrupuleusement une base commune. Une sorte de corpus dans lequel le sommeil paradoxal va fouiner pour en extirper de quoi démarrer la journée, ou réduire la nuit...

J'ai pour ma part un ou deux rêves récurrents. Par récurrent, il faut entendre "que j'ai fait plus de 3 ou 4 fois durant toute ma vie", et encore. Le rêve récurrent que j'ai fait le plus souvent est d'une bêtise indéfinissable : je me balade dans des villes magnifiques, aux reliefs assez dingues, en skate. Et évidemment, je défie les lois de la gravité terrestre sur ma planche à roulettes tout en profitant du paysage ; je possède un niveau de dingue et rentre l'intégralité des tricks les plus fous jamais observés dans le plus débile de jeux vidéos de skate, où les types alignent les records. Je les atomise tous, et en plus, c'est super joli. En principe, je me réveille exténué, et méchamment triste que cela ne fût qu'un rêve, déçu pour la journée. Bonjour l'ambition du type, hein : même mes rêves les plus beaux sont super médiocres. Ça craint, bondieu que ça craint.
Ce rêve, je l'ai fait une demi-douzaine de fois environ. Voilà pour le truc le plus cool que la décence m'autorise à écrire ici bas.

Je pense que c'est peu, bien moins en tout cas que mes cauchemars récurrents, qui sont eux beaucoup plus fréquents : une demi-douzaine de fois par an, environ, si je devais faire une moyenne.
La plupart du temps, ces cauchemars s'appuient sur une constante : une ambiance de fin du monde, une ère post-apocalyptique dans laquelle il me faut évoluer, envers et contre tout. C'est souvent triste à crever, et ça ressemble davantage à un condensé de misère sociétale passée à la moulinette d'un best-of de la littérature d'anticipation qu'à un extrait gore et morbide d'un classique de Romero. J'avance lamentablement dans ma survie, et la plupart du temps, les miens sont morts, ou bien le seront inéluctablement (tout comme moi, probablement) durant mon épisode onirico-machin.
En principe, le réveil qui suit est aussi foireux que l'objet du cauchemar, et je suis d'humeur maussade pour la matinée qui suit, au bas mot.

L'un des éléments scénaristiques complémentaires à cette ambiance, c'est la constitution de mon entourage. Habituellement, il y a des personnes qui sont des amis, des connaissances "pour de vrai" ou de parfaits inconnus, et tout va pour le mieux, façon de parler ; car après tout, nous devons systématiquement collectionner les embûches, et échouer lamentablement à ce qui ressemble à la mission qui nous anime. Et parfois, il arrive des choses qui interrogent mon subconscient, et qui jouent avec lui comme avec une toupie.
Il y a deux nuits de cela, donc, ça a été le cas, et pas qu'un peu.


J'arpentais une côte, probablement méditerranéenne. Cela ressemblait à s'y méprendre à la Corse, par exemple, tant du côté de la flore que des vestiges architecturaux. La luminosité était complètement cheloue, le type aux manettes de mon activité onirique est toujours un peu fâché avec la chromie générale du truc. Toujours est-t-il qu'au loin, dans l'étendue de flotte que nous approchions, il y avait quelques énormes colonnes d'eau qui tombait. Pas de la pluie, hein : des masses nuageuses compactes, sombres, qui couvraient intégralement les cieux. Et ponctuellement, ici ou là, de la masse nuageuse dans laquelle l'on ne distinguait rien, tombait des colonnes, statiques et immobiles, qui déversaient des tonnes et des tonnes de flotte. Le niveau de la mer montait quasiment à vue d'œil, et tout le monde se savait condamné. Soit le réchauffement climatique me travaille davantage que je ne veux bien l'admettre, soit l'insularité qui accompagnera ma vie dans les semaines à venir se convoque dans mon inconscient de manière assez spéciale...

Et alors, quoi ? Eh oh, c'est bon, on est pas dans une série à la con : il se passait rien. On se demandait comment on allait survivre, c'est tout. On marchait, on était sensiblement choqués par ce spectacle d'apocalypse aquatique, évidemment, et on se demandait ce qu'il nous fallait faire.
Et donc, je n'étais pas seul. Avec moi, il y avait un type. Un type au visage qu'il me serait complètement impossible de décrire, je l'ai complètement oublié. Tout comme je l'ai oublié "dans la vraie vie", en tout cas : de ce côté-ci de la conscience (ou de l'existence, selon les choses auxquelles vous croyez), cette personne existe bel et bien.
Cette personne, je l'ai croisé par deux fois dans ma vie, environ une à deux minutes à chaque fois, et à quelques mois d'intervalle.


Dans la seconde partie des 90's, j'étais fauché et "en transition professionnelle", et j'ai passé quelques mois à bosser dans un McDo, dans mon Jura natal. Il n'y a pas grand chose à en dire qui n'a pas déjà été répété mille fois, tant sur l'employeur que sur l'emploi, et c'est un autre sujet qui prendrait douze blogs à lui tout seul, pour le pire et pour le pire. Toujours est-il qu'un soir, alors que j'étais en caisse (je dirais même qu'il s'agissait d'un samedi soir, soyons fous : j'ai le souvenir d'un gros rush à la con), un type est passé avec un t-shirt d'Æon Flux, ce dessin animé qui s'était achevé quelques mois plus tôt sur MTV.

J'avais découvert ce dessin animé assez chouette (pour l'époque en tout cas) lors d'un long séjour aux USA, et je n'ai pu m'empêcher de faire une réflexion à son sujet au type. Non pas que je fusse un grand fan du truc (je lui préférais The Maxx, par exemple, mais surtout parce que j'étais super fan du dessin de Sam Kieth), mais tout de même : c'était pas si courant de croiser des types avec des t-shirts comme ça dans mon bled, donc bon. Nous n'avons pas eu le temps d'échanger pendant dix ans, et ma mémoire me fait probablement défaut, mais je me souviens qu'il n'était pas de la région, qu'il ne faisait que passer (la famille de sa compagne ? un truc du genre ?). Je me souviens également qu'Æon Flux était lié à son job : bossait-il pour la boîte de prod, le studio d'animation ou je ne sais quoi ? Aucun souvenir précis à ce sujet (**). Peut-être que je lui ai offert un sundae ou un milk-shake, simplement parce que je pouvais le faire, redistribuer les biens générés par la société merdique qui m'employait, et qu'en bon gaucho infiltré, dès que je pouvais détourner une frite, je le faisais. Après tout, si l'employeur, c'est le mal, McDo, c'est un peu l'Empereur Palpatine, non ? Bon, bref (quand j'y repense, mais la plupart de mes amis de l'époque qui se revendiquent de droite aujourd'hui -eh, c'est la vie, hein- étaient bien contents de bouffer mes frites gratuites, quand j'y pense... mais je digresse) (fin de l'apparté). Si ça se trouve j'ai rien fait du tout, et le type est reparti, et la soirée a consisté courir partout pour retirer les frites de l'huile ou pour chopper tel ou tel burger en commande. Bon, bref, top intéressant.

Quelques semaines plus tard, le type repasse au McDo en question et -il me semble bien-, me fait passer un t-shirt, comme ça, en cadeau. Super sympa non ? Je donnerais cher pour pouvoir lui dire merci aujourd'hui, parce que dans mon souvenir, je n'étais pas là lorsqu'il l'a laissé à mon intention...
Un t-shirt d'Æon Flux, donc, oui. Je parle bien du t-shirt évoqué en tout début de cette note de blog. Jusque là, tout va bien, c'est après que les choses se corsent (corsent, uh uh uh. hum), en tout cas un peu.

Il y a deux nuits de cela, l'un des types avec qui je partageais ce qui ressemblait alors à mes derniers moments de vie, dans ce cauchemar de fin des temps sous les eaux, c'était le type du t-shirt d'Æon Flux, du McDo jurassien fin 90's.
Soit mon esprit me joue des tours, soit, euh, j'en sais rien.

Voilà, c'était ma note de blog rédigée au milieu des piles de t-shirts, des cartons, des rouleaux de scotch. La prochaine, il y a de fortes chances qu'elle comporte une ou deux photos d'une plage sur le rivage atlantique. J'espère qu'il n'y aura pas d'énorme colonne d'eau qui y tombera sous des cieux hostiles.

La suite bientôt.



(*) anecdote véridique. Si plus de deux mille lecteurs de ce blog me supplient de le faire, promis je raconte l'histoire prochainement.
(**) en allant vérifier sur les interwebs avant de poster ce message, je constate qu'à la même époque, un studio français de jeux vidéo avait récupéré la mission de développer un jeu Æon Flux. Peut-être bien que le type en question -celui de mon rêve et du t-shirt, ça suit un peu, là, ou quoi ?- y travaillait, rétrospectivement ça me dit quelque chose...

 

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